La révision mensuelle du taux d’usure favorisera l’octroi de crédits
En 2023, la hausse significative des taux de crédit devrait impacter la capacité d’emprunt des porteurs de projets, notamment des primo-accédants, dont l’intention d’achat recule. Les explications de Sandrine Allonier, porte-parole du réseau d’agences de courtage en crédits immobiliers Vousfinancer.
Fin décembre, la Banque de France a relevé d’un demi-point les taux d’usure pour le 1er trimestre 2023. Qu’est-ce que cela va changer pour le marché immobilier ?
Cette remontée des taux d’usure de 0,50 % pour les crédits d’une durée de 10 à 20 ans et de 0,52 % pour ceux sur 20 ans est une bonne nouvelle mais reste insuffisante pour véritablement débloquer le marché immobilier, l’écart entre les taux de crédit et les taux d’usure étant toujours aussi faible. D’autant moins que les banques avaient anticipé cette évolution des taux d’usure et proposaient déjà des taux de crédits compris entre 2,80 et 3 % sur 20 ans et plus. La révision du taux d’usure, qui n’est plus trimestrielle mais mensuelle, devrait avoir un impact plus important. Puisqu’il augmentera plus rapidement, le taux d’usure favorisera l’octroi de crédits. Cela permettra également d’avoir une fenêtre de tir plus grande pour obtenir des accords de prêt que celle de quelques semaines, en début de période, que nous avions lorsque la révision était trimestrielle.
Les refus de prêts ont-ils été si nombreux ?
Une étude réalisée entre fin décembre et début janvier par L’Adresse indique que près de la moitié des agences ont eu des compromis de vente rompus en raison de refus de prêt, souvent liés au taux d’usure. Dans certaines de ses agences, le réseau estime à un tiers le nombre de ventes qui n’ont pas pu aboutir, conduisant parfois les agents immobiliers à remettre les biens en question sur le marché, souvent à des prix inférieurs. La révision mensuelle du taux d’usure devrait donc donner un appel d’air à tous ces acquéreurs. Le durcissement des conditions de crédit a fait émerger une autre tendance : l’achat « cash », sans crédit, qui est plus fréquent qu’on ne le croit. Cette approche est notamment utilisée par les emprunteurs plus âgés, qui débloquent par exemple de l’argent qui dort sur une assurance vie, pour sécuriser la transaction auprès de vendeurs, qui y sont sensibles.
La révision mensuelle des taux d’usure accélèrera-t-elle la remontée des taux de crédits ?
Oui, les banques vont devoir rentabiliser leurs crédits, donc augmenter les taux d’emprunt. Ces derniers devraient continuer leur ascension pour atteindre 3,5 % voire 4 % sur 20 ans d’ici l’été. C’est un montant qui peut paraître élevé mais qui est pourtant « normal ». Mieux vaut emprunter à 4 %, surtout avec une inflation à 6 %, que de renoncer à son projet immobilier comme c’était le cas depuis l’été dernier pour les emprunteurs. Il faut également garder en tête que les acquéreurs qui se lancent aujourd’hui auront toujours la possibilité de renégocier, par la suite, leur taux. Les profils qui devraient se détourner du marché seront ceux qui réalisaient des « achats d’aubaine », notamment ceux qui profitaient de l’attractivité des taux pour faire des investissements locatifs. Ces transactions étaient pourtant intéressantes car elles libéraient des surfaces pour les primo-accédants.
Les primo-accédants sont frappés de plein fouet par cette hausse des taux de crédits. Est-ce le seul obstacle qu’ils rencontrent ?
L’augmentation des taux de crédit entrave en effet leur capacité d’emprunt. En 2021, un couple avec 4200 euros de revenus pouvait emprunter 300 000 euros avec un taux de 1 % sur 20 ans, contre 228 000 d’ici l’été si ce taux atteint 4 %. Or, cette baisse de la capacité d’emprunt – ici de 72 000 euros en deux ans – n’est pas compensée par la baisse des prix des biens immobiliers, qui est enclenchée avec des marges de négociation actuellement comprises entre 5 et 10 %. L’apport demandé aux primo-accédants, de l’ordre de 10 % du montant de l’acquisition, est un obstacle supplémentaire. Sans compter que, depuis la crise sanitaire, les banques leur demandent également une « épargne de précaution » de l’ordre de 5 % afin de faire face à une augmentation des charges (notamment énergétiques). Certains dossiers de crédits sont refusés sur ce seul critère.
Quelles aides subsistent pour aider ces primo-accédants ?
Les aides, qui sont souvent accusées d’alimenter la hausse des prix immobiliers, sont moins nombreuses qu’avant. Aujourd’hui, il existe le prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf. C’est un dispositif intéressant pour les primo-accédants car il leur permet de différer leur remboursement de prêt de 5, 10 ou 15 ans. Pour autant, il a aussi ses limites dans la mesure où les biens dans le neuf sont généralement plus chers que dans l’ancien et qu’il subsiste un problème d’offre de logements neufs en France. Le PTZ dans l’ancien permet, lui aussi, de saisir des opportunités. Pour en bénéficier, il faut toutefois dédier l’équivalent de 25 % du montant de l’acquisition à la réalisation de travaux. Vu les enjeux de rénovation énergétique portés par le gouvernement, cette aide se prête bien aux acquéreurs intéressés par les passoires thermiques, dont le prix de vente est décoté de 5 à 20 % selon les régions.